Le projet de loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi a été présenté en Conseil des ministres le mercredi 7 septembre. Son article 3 tire les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 19 novembre 2021 qui récusait la jurisprudence constante de la chambre sociale de la Cour de cassation sur la question de l’électorat à l’élection du Comité social et économique (CSE). Ainsi, cette disposition :
- Définit les conditions requises pour être électeur du CSE (article L. 2314-18 du code du travail) ;
- Et inscrit les critères d’exclusion en matière d’éligibilité retenus de façon constante par la Cour de cassation, qui n’ont pas été remis en cause par la décision du Conseil constitutionnel (article L. 2314-19 du code du travail).
Décision du Conseil constitutionnel
Le Conseil constitutionnel avait été saisi le 16 septembre 2021 par la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur la conformité de l’article L.2314-18 du code du travail, lequel précise qui sont les salariés électeurs aux élections professionnelles. Cette QPC ne visait pas à remettre en cause la rédaction de cet article, mais l’interprétation jurisprudentielle qui en avait été faite par la chambre sociale de la Cour de cassation.
En effet, il résultait de la jurisprudence constante de la Cour de cassation relatif que les articles relatifs à l’électorat et à l’éligibilité au CSE étaient interprétés en ce sens que ne pouvaient ni être électeurs, ni exercer un mandat de représentation du personnel les salariés qui :
- Disposent d’une délégation écrite particulière d’autorité leur permettant d’être assimilés au chef d’entreprise ;
- Et ceux qui représentent effectivement l’employeur devant les institutions représentatives du personnel.
La Cour de cassation envisageaient alors de concert les dispositions relatives à l’électorat (L.2314-18) et celles relatives à l’éligibilité (L.2314-19).
Dans sa décision du 19 novembre 2021, le Conseil constitutionnel récuse la position adoptée jusqu’alors par la Cour de cassation, mais seulement sur la question de l’électorat. Selon le Conseil, cette interprétation prive des salariés de participer en qualité d’électeur à l’élection du CSE au seul motif qu’ils disposent d’une délégation ou d’un pouvoir de représentation, ce qui porte une atteinte manifestement disproportionnée au principe de participation des travailleurs. En conséquence, le Conseil avait abrogé l’article L.2314-18 à compter du 1er novembre 2022, le temps nécessaire pour que le législateur intervienne.
Sur la question de l’éligibilité en revanche, le Conseil constitutionnel n’avait pas remis en cause la jurisprudence constante de la Cour de cassation.
Électorat et éligibilité à l’élection du CSE : modification du Code du travail
L’article 3 prend donc acte de cette décision du Conseil constitutionnel, tant en matière d’électorat à l’élection du CSE qu’en matière d’éligibilité. Il était en effet temps que le législateur s’empare de cette question afin de sécuriser les prochaines élections professionnelles qui auront lieu à compter du 1er novembre 2022.
En matière d’électorat : le projet de loi précise que l’ensemble des salariés sont électeurs et réintroduit les critères légaux de l’article L.2314-18 abrogé. Le corps électoral recouvre ainsi tous les salariés sans distinction, excepté les conditions d’exclusion déjà prévues en matière d’ancienneté, d’âge, et de droits civiques : « Sont électeurs les salariés des deux sexes, âgés de seize ans révolus, travaillant depuis trois mois au moins dans l’entreprise et n’ayant fait l’objet d’aucune interdiction, déchéance ou incapacité relatives à leurs droits civiques. »
En matière d’éligibilité : le projet de loi inscrit dans le marbre la jurisprudence de la Cour de cassation en inscrivant dans le code du travail les cas d’exclusion qu’elle retient de façon constante. Pour cela, l’article L. 2314-19 devrait être complété :
Sont éligibles les électeurs âgés de dix-huit ans révolus, et travaillant dans l’entreprise depuis un an au moins, à l’exception des conjoint, partenaire d’un pacte civil de solidarité, concubin, ascendants, descendants, frères, sœurs et alliés au même degré de l’employeur, ainsi que des salariés qui disposent d’une délégation écrite particulière d’autorité leur permettant d’être assimilés au chef d’entreprise ou qui le représentent effectivement devant le comité social et économique »