Enjeu crucial des relations commerciales, les délais de paiement entre professionnels sont, de ce fait, un domaine particulièrement scruté par le législateur, qui en a modifié les modalités par le biais de nombreuses lois ces dernières années.
L’essentiel à savoir concernant les délais de paiement entre professionnels :
En principe, les délais de paiement sont convenus entre les parties dans les conditions générales de vente et sur la facture. Ils ne peuvent être supérieurs à un plafond de 60 jours ou de 45 jours fin de mois suivant l’émission de la facture. Le délai de 45 jours fin de mois peut se calculer de deux manières. En l’absence de stipulations contractuelles, le délai de règlement est fixé 30 jours après la date de réception des marchandises ou d’exécution de la prestation de service. Il existe des délais dérogatoires pour certains secteurs comme les marchés publics ou les activités saisonnières. Les délais de paiement font l’objet d’une obligation d’information comptable pour les sociétés dont les comptes sont certifiés par un commissaire aux comptes.
Des pénalités et des sanctions sont applicables en cas de non-respect des délais de paiement.
Le régime général des délais de paiement entre professionnels
Les délais de paiement de droit commun
1.Les délais prévus au contrat
La loi précise que les délais de paiement sont fixés prioritairement par les parties contractantes. Dans le cas où le délai de paiement est effectivement prévu dans le contrat, la loi plafonne le délai à 60 jours calendaires à compter de la date d’émission de la facture ou à 45 jours fin de mois.
Exemple: une facture est émise le 15 avril et payable à 60 jours calendaires. Le paiement doit intervenir au plus tard le 13 juin.
Attention ! : Le délai de paiement doit obligatoirement figurer sur la facture et dans les conditions
générales de vente.
Le délai de 45 jours fin de mois commence à compter de la date d’émission de la facture et peut être accordé à titre dérogatoire s’il est expressément stipulé dans le contrat entre les entreprises et qu’il ne constitue pas un abus de la part de l’entreprise commanditaire.
Attention ! : Le mode de calcul retenu doit être précisé dans les conditions générales de vente ou dans le contrat.
On peut calculer ce délai de deux manières :
- Ajouter 45 jours à la date de la facture et payer à la fin du mois. Par exemple, la facture datée du 2 janvier, additionnée de 45 jours supplémentaires amène au 16 février, le règlement devra intervenir à la fin du mois de mai, soit le 28 février au plus tard.
- Ajouter 45 jours à la fin du mois de l’émission de la facture. Par exemple, la facture datée du 2 janvier a une fin de mois au 31 janvier, auquel on ajoute 45 jours, ce qui amène au 17 mars.
Remarque : les factures périodiques (ou récapitulatives) doivent être payées dans un délai de 45 jours maximum après leur émission.
2. Les délais supplétifs
De manière subsidiaire, le Code de commerce dispose qu’en l’absence de stipulations contractuelles, le délai de règlement est fixé 30 jours après la date de réception des marchandises ou d’exécution de la prestation de service (article L 441-6 du Code de commerce).
L’obligation d’information sur les délais de paiement
L’article L 441-6-1 du Code de commerce, modifié par la loi relative à la consommation du 17 mars 2014 et la loi sur la croissance, l’activité et l’égalité de chances économiques du 6 août 2015, impose aux sociétés dont les comptes annuels sont certifiés par un commissaire aux comptes de communiquer des informations sur les délais de paiement de leurs fournisseurs et de leurs clients suivant des modalités définies par décret.
Ces informations doivent par ailleurs faire l’objet d’une attestation du commissaire aux comptes, dans des conditions fixées par ce même décret, à savoir le décret n° 2015-1553 du 27 novembre 2015.
Remarque : ce décret a été modifié par le décret n° 2017-350 du 20 mars 2017.
Il ressort de ce décret que les sociétés dont les comptes sont certifiés par un commissaire aux comptes doivent faire figurer dans le rapport de gestion :
- s’agissant de leurs fournisseurs : le nombre et le montant total des factures reçues non réglées à la date de clôture de l’exercice dont le terme est échu. Ce montant doit être ventilé par tranches de retard et rapporté en pourcentage au montant total des achats de l’exercice.
- s’agissant de leurs clients : le nombre et le montant total des factures émises non réglées à la date de clôture de l’exercice dont le terme est échu. Ce montant doit être ventilé par tranches de retard et rapporté en pourcentage au chiffre d’affaires de l’exercice.
Les sociétés peuvent déroger à cette présentation des informations relatives aux délais de paiement en présentant le nombre et le montant cumulés des factures reçues et émises ayant connu un retard de paiement au cours de l’exercice et la ventilation de ce montant par tranche de retard. Dans ce cas, elles doivent les rapporter aux nombre et montant total des factures, respectivement reçues et émises dans l’année.
Les sociétés doivent préciser si les montants sont présentés hors taxe ou toute taxe comprise.
Lorsque les sociétés excluent des factures relatives à des dettes et créances litigieuses ou non comptabilisées, elles doivent l’indiquer en commentaire et mentionner le nombre et le montant total des factures concernées.
Le décret précise également l’étendue de la mission des commissaires aux comptes.
Le CAC doit ainsi dans son rapport attester de la sincérité des informations et de leur concordance avec les comptes annuels et présenter ses observations, le cas échéant.
Les délais de paiement dérogatoires
Des délais de paiement dérogatoires sont notamment prévus dans les secteurs suivants :
SECTEUR |
DÉLAI DE PAIEMENT |
Transport routier de marchandises Location de voiture avec ou sans conducteur Fret aérien |
30 jours maximum à partir de la facturation |
Produits périssables :
· Viandes et poissons congelés, · Plats cuisinés, · Conserves contenant des produits périssables |
30 jours maximum après la fin de la décade de livraison (par exemple, pour une livraison le 5 du mois, calcul des 30 jours à partir du 10 du mois) |
Alcools soumis aux droits de consommation (cognac, vodka, etc.) | 30 jours maximum après la fin du mois de livraison |
Achats en franchise de TVA concernant les biens et services livrés hors de l’UE | 90 jours maximum à partir de la date de facturation |
Agroéquipement | · 55 jours maximum fin de mois à partir de la facturation pour les matériels d’entretien d’espaces verts
· 110 jours maximum fin de mois à partir de la facturation pour les matériels agricoles (sauf tracteurs, matériels de transport et d’élevage) |
Articles de sport d’hiver, entre les fournisseurs et les entreprises dont l’activité est saisonnière | Un délai supplémentaire de 30 jours peut être ajouté au délai de 60 jours/45 jours fin de mois pour le règlement des livraisons effectuées avant l’ouverture de la saison d’activité |
Filière du cuir | 54 jours maximum fin de mois à partir de la facturation |
Horlogerie, bijouterie, joaillerie et orfèvrerie | 59 jours fin de mois ou 74 jours nets maximum à partir de la facturation |
Les sanctions applicables au non-respect des délais de paiement
Les pénalités de retard
En cas de retard de paiement, des pénalités sont dues sur la période comprise entre la date d’échéance et la date d’encaissement. Le taux d’intérêt appliqué doit être prévu dans les conditions générales de vente, et ne peut ni être inférieur à 3 fois le taux d’intérêt légal, ni supérieur au taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage. Il est appliqué sur le montant TTC de la facture.
Le débiteur doit aussi s’acquitter sur chaque facture en retard de paiement d’une indemnité pour frais de recouvrement de 40 euros minimum.
Les amendes administratives et civiles
Avant la loi Hamon, la méconnaissance des règles en matière de délais de paiement exposait leur auteur à des amendes pénales.
Désormais, le régime des sanctions pénales a été remplacé par des amendes administratives.
Cette amende administrative est d’un montant de 75 000 euros pour une personne physique et a été relevé à 2 millions d’euros pour une personne morale par la loi Sapin II.
Elle est prononcée si la personne en question :
- n’a pas respecté le plafond fixé par la loi pour les délais de paiement ;
- n’a pas respecté les délais de paiement convenus entre les parties ;
- a prévu une clause ou adopté une pratique ayant pour effet de retarder abusivement le point de départ des délais de paiement ;
- n’a pas indiqué dans les conditions générales de règlement les modalités d’application et le taux d’intérêt des pénalités de retard ;
- a fixé un taux ou des conditions d’exigibilité des pénalités de retard selon des modalités non conformes à la règlementation ;
- n’a pas respecté les modalités de computation des délais de paiement convenus entre les parties.
Les manquements peuvent se cumuler et les amendes peuvent donc être supérieures aux montants précédents. En outre, l’obtention ou la tentative d’obtention de conditions manifestement abusives de délais de paiement sous la menace de rupture de relations commerciales expose son auteur à une amende civile pouvant aller jusqu’à 5 millions d’euros.