La loi 2022-172 du 14 février 2022 a instauré un régime juridique unique pour l’ensemble des entrepreneurs individuels en vue de leur offrir une meilleure protection de leur patrimoine personnel.
Selon ce nouveau statut, l’entrepreneur individuel est titulaire de deux patrimoines séparés, l’un à titre professionnel, l’autre à titre personnel, et ce, sans aucune formalité à effectuer contrairement à avant.
Parmi les nombreuses modifications apportées par la réforme, il en est une qui s’inscrit plus particulièrement dans une logique de simplification : le transfert universel de patrimoine professionnel (TUPP).
Revenons sur la façon dont s’organise ce transfert et notamment sur les formalités à réaliser pour le rendre effectif.
Détermination du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel
Pour pouvoir connaître l’étendue du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel, un décret vient définir la notion de biens « utiles ». Dès lors, doivent être considérés comme tels, les biens, droits, obligations et sûretés qui, par nature, par destination ou en fonction de leur objet, servent à l’activité professionnelle, tels que :
- Le fonds de commerce, le fonds artisanal, le fonds agricole, tous les biens corporels ou incorporels qui les constituent et les droits y afférents et le droit de présentation de la clientèle d’un professionnel libéral ;
- Les biens meubles comme la marchandise, le matériel et l’outillage, le matériel agricole, ainsi que les moyens de mobilité pour les activités itinérantes telles que la vente et les prestations à domicile, les activités de transport ou de livraison ;
- Les biens immeubles servant à l’activité, y compris la partie de la résidence principale de l’entrepreneur individuel utilisée pour un usage professionnel ; lorsque ces immeubles sont détenus par une société dont l’entrepreneur individuel est actionnaire ou associé et qui a pour activité principale leur mise à disposition au profit de l’entrepreneur individuel, les actions ou parts d’une telle société ;
- Les biens incorporels comme les données relatives aux clients, les brevets d’invention, les licences, les marques, les dessins et modèles, et plus généralement les droits de propriété intellectuelle, le nom commercial et l’enseigne ;
- Les fonds de caisse, toute somme en numéraire conservée sur le lieu d’exercice de l’activité professionnelle, les sommes inscrites aux comptes bancaires dédiés à cette activité, ainsi que les sommes destinées à pourvoir aux dépenses courantes relatives à cette même activité.
Le texte précise également que lorsque l’entrepreneur individuel est tenu à des obligations comptables légales ou réglementaires, son patrimoine professionnel est présumé comprendre au moins l’ensemble des éléments enregistrés au titre des documents comptables, sous réserve qu’ils soient réguliers et sincères et donnent une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l’entreprise.
A noter enfin que la rémunération tirée de l’activité professionnelle indépendante, identifiée dans les comptes de l’entrepreneur, est présumée comprise dans le patrimoine personnel de celui-ci.
La renonciation de l’entrepreneur à la protection de son patrimoine personnel
L’entrepreneur individuel est en mesure, pour un engagement spécifique de renoncer à la protection de son patrimoine personnel. L’acte, dit de renonciation, doit à peine de nullité contenir un certain nombre d’informations qui sont listées par le nouveau décret.
Par ailleurs, il est désormais précisé que le bénéficiaire de la renonciation doit informer l’entrepreneur individuel des conséquences de celle-ci sur ses patrimoines. Il paraît donc utile de mentionner, dans l’acte de renonciation, l’information fournie à cette fin.
A peine de nullité, l’entrepreneur et le bénéficiaire de la renonciation doivent apposer leur signature sur l’acte, ainsi que la date et le lieu. La signature peut être une signature électronique qualifiée.
Cependant, cette renonciation ne peut, en principe, qu’à l’issue d’un délai de réflexion de 7 jours francs à compter de la réception de la demande de renonciation
Ce délai de réflexion peut toutefois être réduit à 3 jours francs. Dans ce cas, l’acte de renonciation doit porter, de la main de l’entrepreneur individuel, la mention manuscrite suivante : « Je déclare par la présente renoncer au bénéfice du délai de réflexion de 7 jours francs, fixé conformément aux dispositions de l’article L. 526-25 du code de commerce. En conséquence, ledit délai est réduit à 3 jours francs.
Les modalités de transmission du patrimoine professionnel
La loi 2 octroie à l’entrepreneur individuel de donner, vendre ou encore apporter, l’intégralité de son patrimoine professionnel afin de permettre une forme de continuité et de fluidité d’une activité amorcée par un entrepreneur individuel notamment vers l’exploitation en société pour en poursuivre le développement et la croissance.
Cette transmission se réalise sans procéder à une liquidation, toutefois le transfert non intégral d’éléments du patrimoine demeure soumis aux conditions légales applicables à la nature de ce transfert, ainsi que le cas échéant, à celle du ou des éléments transférés.
Conditions à remplir pour le transfert universel
A peine de nullité, le transfert universel du patrimoine professionnel d’un entrepreneur individuel ne peut s’opérer que sous couvert de plusieurs conditions cumulatives :
- Il doit porter sur l’intégralité du patrimoine professionnel, qui ne pourra pas être scindé ;
- En cas d’apport à une société nouvelle, l’actif disponible du patrimoine professionnel doit permettre de faire face au passif exigible sur ce même patrimoine ;
- L’auteur de cette transmission, ainsi que le bénéficiaire, ne devront pas faire l’objet d’une faillite personnelle ou d’une condamnation définitive à une peine d’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou de diriger, gérer, administrer ou contrôler une entreprise ;
- Ainsi que sur toutes correspondances et tous récépissés concernant son activité et signés par elle ou en son nom.
Effets du transfert universel
Le transfert universel du patrimoine professionnel emporte cession des droits, biens, obligations et sûretés dont celui-ci sera constitué, il pourra être réalisé à titre gratuit ou onéreux. Enfin, lorsque le bénéficiaire est une société, le transfert peut revêtir le caractère d’un apport.
Les dispositions légales relatives à la vente, donation ou apport en société, seront applicables selon les cas, de même que pour les dispositions relatives à la cession de créances, de dettes et de contrats. De ce fait, l’entrepreneur devra obtenir l’accord de son cocontractant en cas de cession d’une dette, ou d’un contrat, ou notifier le transfert au débiteur en cas de cession d’une créance.
Publicité et d’opposition au transfert universel du patrimoine professionnel
Le transfert universel du patrimoine n’est opposable aux tiers qu’à compter d’une publicité.
Modalités de réalisation des formalités de publicité
Le cédant, donateur ou apporteur, doit publier son transfert par un avis au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales, et ce au plus tard dans un délai de 1 mois après sa réalisation.
Les créanciers de l’entrepreneur individuel pourront former opposition au transfert dans le mois suivant la publication au BODACC.
Cet avis doit mentionner les nom et prénoms du cédant (ou du donateur ou de l’apporteur), le cas échéant son nom commercial ou professionnel, l’activité ou les activités professionnelles exercées ainsi que les numéros et codes caractérisant ces activités, l’adresse de l’établissement principal ou l’adresse du local d’habitation où l’entreprise est fixée et le numéro unique d’identification de l’entreprise.
L’avis doit également mentionner les nom et prénoms du cessionnaire (ou du donataire ou du bénéficiaire de l’apport), le cas échéant son nom commercial ou professionnel, l’adresse de l’établissement principal ou l’adresse du local d’habitation où l’entreprise est fixée, le cas échéant, la raison sociale ou la dénomination sociale suivie du sigle, de la forme, de l’adresse du siège, du montant du capital et du numéro unique d’identification de l’entreprise, ainsi que, le cas échéant, les numéros et codes caractérisant l’activité ou les activités professionnelles exercées.
L’avis publié au BODACC doit être accompagné d’un état descriptif du patrimoine comportant les informations suivantes :
- la valeur globale de l’actif ;
- la liste des sûretés dont bénéficie l’entrepreneur individuel et les montants des créances garanties par elles ;
- la valeur globale du passif ;
- la liste des biens du patrimoine professionnel grevés d’une sûreté et, pour chacun des biens concernés, la nature de la sûreté et le montant de la créance garantie.
L’actif, le passif et les créances garanties par une sûreté doivent être évalués en fonction du dernier exercice comptable clos actualisé à la date du transfert ou, pour les entrepreneurs individuels qui ne sont pas soumis à des obligations comptables, à la date qui résulte de l’accord des parties.
Adaptation des formalités de publicité
Jusqu’à présent, la publicité se matérialisait uniquement au travers du Bodacc, cependant depuis un récent décret, une nouvelle modalité de publicité fut ajoutée en permettant à l’entrepreneur individuel de publier son transfert de patrimoine professionnel au sein d’un support habilité à recevoir des annonces légales dans le département au sein duquel est exercée à l’activité professionnelle.
Cette nouvelle publicité doit présenter les mêmes éléments que décrit précédemment au sein de l’avis BODACC.
Ces supports habilités à recevoir des annonces légales relatif au transfert universel du patrimoine d’un entrepreneur individuel sont listés par un décret du 21 novembre 2019 (mentionnant notamment le JAL).
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